Dans le cadre du Printemps de Septembre 2016 (Toulouse), dirigé par Christian Bernard, l’Espace Croix-Baragnon présente Résonances: Second Mouvement une exposition explorant la notion de rythme dans l’œuvre d’artistes d’horizons divers.
Résonances est le deuxième volet du projet “All Of Us Have Sense Of Rhythm” présenté à David Roberts Art Foundation (DRAF), Londres en 2015, dont le titre faisait référence à une anecdote de Langston Hugues, figure emblématique de la Harlem Renaissance. Expliquant sa vocation de poète – pratique artistique nécessitant un sens du rythme – Hughes évoquait alors le stéréotype dont il fût l’objet en temps qu’élève, selon lequel tous les Noirs ont le sens du rythme.
Puisant, entre autres, dans les écrits de Léopold Sédar Senghor et l’histoire de l’avant-garde musicale américaine, cette exposition met en lumière des filiations peu connues entre les arts traditionnels non-occidentaux et le champ plus vaste de l’art contemporain.
Répartie dans les deux espaces de Croix-Baragnon, la Galerie et Espace III, l’exposition comprend des partitions musicales, vidéos, sculptures, peintures, de la poésie, photographie et art sonore des artistes John Cage, Ayoka Chenzira, Satch Hoyt, Langston Hughes, Madeleine Mbida, Yinka Shonibare MBE et William Titley.
Résonances ouvre sur un réexamen de l’invention du piano préparé de John Cage dont sont présentées 3 partitions : Bacchanale (1938-40), Primitive (1942) et Our Spring Will Come (1943). Marquant la naissance de ce nouveau genre, Bacchanale est la première d’une série de compositions créées par le jeune Cage à l’invitation de chorégraphes noirs américains, respectivement Syvilla Fort, Wilson Williams et Pearl Primus.
Le documentaire Syvilla : They Dance to Her Drum (1979) d’Ayoka Chenzira est un rare film retraçant le parcours de la danseuse et chorégraphe Syvilla Fort (1917-1975) pour qui Cage composa Bacchanale. Souvent oubliée dans le récit de l’invention du piano préparé, entre les années 40 et 70, Fort contribua à former trois générations de danseurs et chorégraphes noirs américains à qui l’accès aux écoles de danse, notamment classique, leur était généralement refusé du fait de la ségrégation aux Etats-Unis.
Ajoutant à l’histoire de l’interaction entre Cage et ces chorégraphes, les premières lignes de Our Spring (1933) un poème de Langston Hughes parlant de la condition noire aux Etats-Unis, sont reproduites sur un mur de la galerie. Ce poème a inspiré une chorégraphie à Pearl Primus et donné son titre à la musique signée par Cage. Un article de presse du journal The Afro-American daté de 1944 et publié à l’occasion d’une des premières de Primus indique qu’à l’époque cette pièce était davantage associée à l’aura de Hughes qu’à celle de Cage dont la carrière ne faisait qu’émerger.
Sont aussi inclus un résonateur Sénoufo (Côte d’Ivoire) et un lamélophone Sukuma (Tanzanie), deux pièces de la Collection Cordier conservées au musée des Abattoirs. Ces deux œuvres appartiennent à une famille d’instruments dont les sonorités furent recherchées par Cage dans ses compositions au piano préparé.
Plus loin, Northern Souls – The Sound of an Underground (2014) de William Titley est une pièce sonore enregistrée sous une salle de danse lors d’une soirée Northern Soul. En résulte un mélange à la fois cacophonique et rythmé entre échos musicaux, piétinements et crissements. Les photos documentant la fin de soirée révèlent les mouvements de danse parfois acrobatiques et le style vestimentaire particulier à cette culture. Cette œuvre pose aussi la question d’appropriation de la culture noire, en l’occurrence de la musique soul, par la jeunesse blanche du Nord de l’Angleterre qui en a fait un style unique perçu comme typiquement anglais.
Enfin, les œuvres de Satch Hoyt – The Back Beat (2015), vidéo à trois écrans, et sa série Spinnister (2014) – proposent un concept de signifiant afro-sonique par lequel le réseau sonore mémoriel serait l’élément premier ayant maintenu intacte les cultures de la diaspora africaine.
À l’Espace III, quatre peintures de Madeleine Mbida proposent des expérimentations esthétiques sur le Bikutsi, musique et danse camerounaise traditionnellement pratiquée au son d’un balafon dont un modèle est inclus dans l’exposition. À partir des rythmes ternaires 6/8 et 9/8, Mbida recrée des déclinaisons chromatiques et des figures dansantes aux mouvements entrelacés.
L’exposition se conclut sur la vidéo Odile et Odette (2005) de Yinka Shonibare MBE, une réinterprétation du Lac des Cignes de Tchaikovsky figurant deux ballerines, l’une blanche, l’autre noire, vêtues de tutu et pointes faits des wax hollandais qui font la caractéristique de l’œuvre de Shonibare.
Leur face-à-face silencieux et synchronisé, d’une part et d’autre d’un miroir, souligne les multiples dichotomies entre le bien et le mal, la lumière et la nuit, ainsi que leur implicite association à la couleur de peau. Cette vidéo remet aussi en question certains présupposés sur le corps noir et la danse classique, faisant notamment écho aux propos de la vidéo sur Syvilla Fort au début de l’exposition.
Résonances: Second Mouvement est commissariée par Christine Eyene assistée de François Larini.
Résonances: Second Mouvement
23 Septembre – 23 Octobre 2016
Espace Croix-Baragnon
24, rue Croix-Baragnon
31000 Toulouse
Tél : 05.62.27.60.60
En savoir plus sur le Printemps de Septembre.
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